Témoignages

Nicole Desjardins

Moi, je suis la maman de Brigitte, Martin et Christian. Christian, qui a subi un traumatisme crânien en août 1986, dans un accident de la route. Je peux vous dire que ce jour-là, ma vie a basculé. Ce fut un séisme familial. La saga des hôpitaux a commencé. Christian était dans le coma, j’étais constamment à son chevet, toujours dans l’ignorance du lendemain. Une journée, c’était l’opération au cerveau, quelques jours plus tard, c’était les yeux. C’était une dure période, qui ne finissait plus. Nul ne peut imaginer, ce qu’est la vie d’une personne traumatisée crânienne. Christian ne se reconnaissait même pas lui-même, il n’avait plus ses repères. J’ai dû faire le deuil de mon fils d’autrefois. J’avais un nouveau Christian.

Son handicap le plus important, c’était la mémoire. J’ai dû travailler ma patience ! C’est important la mémoire. Il me posait la même question 22 fois, en trois minutes. Il mettait le disque des Beatles pendant quatre heures d’affilée, le même CD. Mon seuil de tolérance est maintenant très élevé, vous pouvez me croire. Un soir, vers 17h, ça sonne à la porte, j’ouvre et je vois trois personnes, larges sourires avec une bouteille de vin : j’apprenais que je recevais à souper. Christian faisait des invitations, mais ne s’en souvenait pas. Alors, c’est là que je me suis dit, ça doit être ça « vivre le moment présent ».

Les idées suicidaires planaient toujours.  Christian a fait des tentatives de suicide, j’étais rongée par l’inquiétude. Il m’appelait 15 à 20 fois par jour, des fois, à cinq minutes d’intervalle. Pour moi, c’était une préoccupation constante, j’étais toujours inquiète, épuisée. Je ne voyais pas le bout du tunnel. Quand il venait dormir à la maison, je ne dormais pas, je sommeillais. Cette situation m’obligeait aussi à faire des choix déchirants dans ma vie personnelle. Disons que ma vie n’était pas un jardin de roses. En fait, la plus grande douleur, c’était mon sentiment d’impuissance. J’aurais préféré que ça m’arrive à moi. Christian m’a dit un jour : « Maman, si jamais, tu as le même accident que moi et que tu es dans le coma, je vais te murmurer à l’oreille : je t’adore et je vais te débrancher. Je ferai peut-être de la prison, mais tu ne connaîtras pas le calvaire que moi je connais ». Alors, ça vous donne un peu l’idée de son état d’âme.

Je suis sa bouée, je suis l’amour d’une mère garantie à 100 %. Les années passent, 32 ans plus tard, Christian a maintenant son chez-soi, à la Maison Martin-Matte de Laval. Je suis fière de lui, de son cheminement. Mon inquiétude est toujours présente, il a besoin d’encadrement 24 heures sur 24, il est très vulnérable. Un être humain sans mémoire, c’est vulnérable. Mais aujourd’hui, il a une vie, il a sa vie, et j’ai aussi la mienne.

– Nicole Desjardins, maman de Christian Matte

 

Crédit photo : Marie-Claude Meilleur